Quand j'ai décider de faire un blog, c'était pour parler un peu plus des processus de reflexion que l'on a lorsque l'on design du gameplay, sans formule toute faite qu'on trouve à longueur d'interview marketé ou de podcast de journalistes aux questions peu inspirées, d'aller un peu plus au fond, dans la technique. Analyser aussi un aspect d'un jeu, en terme de game design, comme la catégorie Game Design Review le montre. Je ne pensais pas devoir parler de la base de tout ça. Des idées. De l'Idée.
"Tout le monde peut avoir des idées" - Auguste Gusteau
L'une des choses que l'on se prend dans la gueule lorsque l'on dit, à quelqu'un qui a de la bouteille dans le milieu, que l'on a une bonne idée, c'est que l'on n'est pas le seul. Il y a une école américaine, nommée Digipen School qui forme tout les corps de métier du jeu vidéo. A ses étudiants, on leur doit Narbacular Drop, qui deviendra Portal ou Tag The Tower of Paint dont le concept sera intégré dans sa suite, pour les plus connus. Et bien d'autre idées. Je vous encourage à aller fouiner sur le site de l'école et de télécharger les jeux qui vous paraisse digne d'intérêt. Tout est gratuit et dans des versions assez avancées pour ne jamais gêner l'expérience.
Je connais un studio qui tente, actuellement de développer une idée propre et j'ai, officieusement, aider le game designer a la mettre en forme depuis les "un peu plus de 4 ans" de sa gestation, à ce jour. On a échanger, pas mal de pistes, d'avis, d'idées, de principes, d'intention de gameplay. Il a été modifié plusieurs fois (l'une des "branches" deviendra Color Racer, traité dans un billet précédent), jusqu'à devenir une idée stable et précise, toujours avec des lacunes mais que l'on peut transformer en un game concept ! Le projet est porteur, très intéressant et promet pas mal. Le studio toutefois, est de taille très moyenne, tente de survivre dans ce joyeux bordel et n'a pas forcément, tout le temps les fonds, la main d'oeuvre, le temps (et parfois l'intelligence) de mener cette réalisation à terme.
Et voilà que dernièrement, au grè de mes farfouillages indies, je tombe sur une idée transformée en jeu. Et en jeu de grande qualité, venu tout droit de la Digipen School. Bon, c'est un peu un suspense à la con que j'écris là. Vous avez fait le lien, hein ?
Ce jeu est similaire en tout point à notre idée.
Il est courant de retrouver des jeux similaires dans ce milieu, en témoigne les FPS de guerre, TPS de bourrin, MMO, STR, j'en passe et des moins originaux. Il n'est pas rare également de voir des jeux, developpé à un moment relativement similaire et partageant une idée pareil mais empruntant deux branches différente.
Deux jeux aux principes similaires, mais très différent dans leur execution.
Or, il est rarissime de voir deux jeux jumeaux, sans imaginer qu'une anguille particulièrement fourbe se planque sous un caillou. Il arrive, par exemple, qu'un éditeur pille sans scrupule l'idée d'un studio qu'il a pourtant refuser de réaliser auparavant, en le filant en douce à un autre. Ce genre de chose, donc. Alors imaginez le degré de rareté de concept siamois, dont l'un antérieur à l'autre (le notre), issus de deux teams séparées de milliers de kilometres et qui ne se connaissent pas. Et attention, on ne parle pas d'idée "mainstream" genre qui défouraille du zombie en top-down view ou de concept de plateformer basé sur la physique dans un habillage en ombre chinoise, hein. On parle d'un jeu de course plateformer futuriste featuring "je suis un avion de chasse". Pas le truc qu'on trouve en news d'un gros site web.
Je vous présente, donc, le jeu sur lequel j'ai fi ... ah non, merde ... Euh ... Voici donc, Nitronic Rush, issu de l'ecole Digipen School.
Comme je l'ai dit, il est juste exactement le jeu que cette boite de ma connaissance voulait faire avec ce degré de finition. Les features, le gameplay, l'Idée est, à trois pets de codes près, la même. Et le jeu est génial. Essayez le, il est gratuit.
Avant de développer une reflexion qui j'espère vous surprendra, je vais parler de l'impact psychologique mais également stratégique et financier de ce genre de cas.
Motivé ... motivé ... motiv ... mot ... merde.
Le premier reflexe lors de la découverte de ce projet, c'est "Oh putain ... non ... Merde fait chier, bordel ! ... C'est pas possible" La motivation en prend un coup et se retrouve dans les poubelles dès qu'on s'aperçoit que leur jeu est génial ("Les salauuuuds, c'est trop bien en pluuuus ! ... Ca sert à quoi qu'on fasse pareil"). Alors on relis notre GD, on sens le potentiel malgré les lacunes, puis on rejoue à leur jeu ("Bordel, mais on a eu cette idée ... pourquoi on l'a écarté ? Ca marche nikel !") Enfin, viennent les aspects plus matériel et plus "éthiques", car dans tout travail créatif, il y a cette part d'inspiration plus ou moins inconsciente, mais surtout, plus ou moins facile. Vous adviendrez que lorsque l'on se trouve en face d'un jeu siamois, aussi bien fini, l'envie de "s'inspiré" de leur choix pour comblé nos lacunes est grande. On a eu ses choix en tête, pourtant. Difficile de rester "vierge", même avec toute la volonté de de suivre SA route comme si de rien n'était. Ca, c'ets l'aspect ethique. L'aspect matériel est peut etre moins évident j'y reviendrait plus tard.
Alors qu'est ce qu'il s'est passé ?
Je l'ai dit. Notre industrie est un joyeux bordel et vous avez surement déjà entendu certains témoignages. L'un de ces témoignages me parait plus important que les autres : seuls les gros et les petits s'en sortent alors que les moyens coule (ici et ici, par exemple). Entre les indé et les majors, il y a un vide qu'en l'état, il est assez difficile à comblé (vous pouvez en avoir un aperçu, dans le temoignage de Jerome Braune (Walter - Blossom Mind) lors d'une conférence sur le jeu indépendant à Lyon). Mon pote game designer bosse donc dans l'une de ces moyennes boites. Le quotidien, c'est jeu de commande sur jeu de commande, prestation et portage. Trop gros pour faire de l'indies et se passer d'éditeurs (il faut des rond pour payer le personnelle), trop petit pour se voir confier ou financer de gros projet. Du coup, la gestation d'un projet perso est longue, lente et dépend de parametres souvent indépendant de leur volonté (même au sein de leur boite ...).
Alors que dire d'une école comme Digipen ? Personnellement, je commence à avoir peur de ces structures. Si tout le monde peut avoir des idées, il faut l'infrastructure pour les réaliser. Digipen School est une école reconnu, qui forme d'excellent technicien. C'est supinfogame x 100, plus la philosophie américaine des études (parce que nous, c'est plutôt "jouons à WoW au lieu de bosser"). Les plus gros studios font litérallement leurs courses et débauche les étudiants, quand c'est pas les teams entière (Portal, donc). En un sens, ce genre d'école, c'est un studio indies avec les moyen des gros. Pas de pression d'éditeur, pas de contrainte budgétaire réel, pas de salaire à payer. Un systême clé en main pour les étudiants et les gros studios, qui leur permettent de "bypassé" toutes les coté galères d'entrée sur le marché du travail. Passer d'une école qui te file toute les ressource nécessaire pour faire le jeu que tu veux, à aller faire ton jeu chez Valve, c'est quand même un sacré panard !
Mais la ou je veux en venir, c'est que se passe t'il quand ces étudiant se dirige vers l'indies et monte leur propre boite. La team responsable de Nitronic Rush est devenu en 2012, Refract Studio et bosse actuellement sur Distance, la suite spirituel de Nitronic Rush, et à rempli son objectif KickStarter en fin d'année derniere.
Je vous invite vivement à voter pour le jeu sur sa page Greenlight, chez Steam.
Et ?
Ils bénéficient donc de tout l'aide de Digipen et de ses contacts pour continuer leur route et au final, Il bénéficient également de l'expérience acquise pendant leur cursus, pour concevoir un projet qu'ils ont pu parfaitement roder "sous les palmiers billboard d'une plage hi-res" de Washington (comment ça, on s'les caille à Washington ?). Déloyal ? Toutefois, je suis curieux de voir la suite, une fois que l'élan donné par cette école sera retombé.
A l'aune de ce petit éclairage, revenons sur l'aspect matériel (et financiers) de la découverte d'un projet similaire en tout point à un autre. Si le studio décident tout de même de continuer leur propre projet et de tenter de le sortir, notamment en le vendant à un éditeur, la comparaison avec Distance sera inévitable. Or, à ce jour, il est certain que ce dernier sortira bien avant voir même avant tout financement du jeu siamois par un éditeur. Et c'est principalement là, que se trouve la source de frustration et de démotivation : Qu'on le veuille ou non, le financement du projet sera conditionné par le succès de Distance.
Si ce dernier fonctionne, un éditeur sera potentiellement intéressé pour avoir une part du gateau, à l'inverse, s'il se plante, personne voudra prendre le risque de mettre des ronds dans un "clone". MAIS, vu la qualité de Nitronic Rush et de ce que l'on peut apercevoir de Distance, la seconde issue, c'est qu'aucun éditeur ne voudra d'attaque frontal avec un concept aussi atypique. Combien y'a t'il eu de clone de Minecraft financé par un éditeur connu ?
Et enfin, si malgré toute ces difficultés, le jeu parvient à sortir, il aura a affronter les accusations de plagiat ou de repompe, que ne manqueront pas d'asséner, à tort, les joueurs.
Alors au prisme de cette rarissime situation de coincidence, je m'interroge sur le rôle que joue les écoles de JV et que vont jouer ceux qui en sorte. Ne peuvent-ils pas tirer inconsciemment une balle dans le pied de leur collègue tentant de maintenir debout comme eux, la pyramide branlante de cette industrie ? Ce ne sont pas des "anciens" qui reviennent à l'indies ou des nouveaux qui débute en indé. Une certaine logique, quoi. Dis comme ça, on a l'impression que c'est une espèce de légitimité tacite qui se retrouve remise en question. Ca fait un peu "nouvelle génération d'humain génétiquement modifié" qui débarque pour prendre ta place. C'est pas entièrement faux. D'un point de vue professionnel, un jeune qui a eu l'occasion de glaner son expérience en apprenant dans une excellente école, et de monter, grâce à ça, sa boite et créer un projet porteur facilement, risque d'être un sérieux concurrent pour les "moyens-déjà-vieux" qui n'ont fait que des jeux de commande et des shovelwares dans un studio-saucisse.
Et une chose est sur, les saucisses n'ont pas fini de se faire bouffer avec ou sans idées.
Petite aparté me concernant : j'ai bien 3 ou 4 idées plantées dans le crâne depuis bien 15 ans, que je n'ai toujours pas vue. Donc j'imagine que je touche un sacré chêne. Alors soit je suis un génie et les autres sont des veaux, soit ce sont des idées de merde sur lesquels tous le monde s'est déjà casser les dents, dans le plus grand secret, des milliers de fois depuis 30 ans. Ahah.